Billet de blog

Campagne de vaccination contre la COVID-19 : Pourquoi ces 《agents recenseurs 》 nous dupent ?

Pas plus que 9 heures ce mardi. Les rayons fusés par la grande fournaise commencent à être de plus en plus brûlants. Je fais encore la grasse matinée. Je me suis débarrassé de ma couverture qui m'etouffait. Pas toujours à l'aise, mais le rouleau compresseur du sommeil me cloue au lit. Dans ces tiraillements, une voix de crecelle me réveille de cette molesse.《Bonjour. Nous sommes là pour un recensement dans le cadre de la campagne de vaccination contre le diabète, la tension(sic), la tuberculose. Nous recensons les tranches d'âge de 16  à 100 ans ou plus.》, c'est ce que j'ai retenu de la voix.



Aussitôt, je tressaille à rompre une cheville  de ma moustiquaire. Et je rajuste mon bermuda qui me paraît plus commode pour un célibataire qui dort en travers du lit tel un cochet sur une branche, surtout pendant cette période de canicule  à Bamako. Ensuite j'ai enfilé mon tee-shirt noir qui est devenu mon complice. Quand je ne sort de la famille, c'est mon préféré, je peux le porter une semaine sans qu'il ne laisse apercevoir les poussières qu'il loge. 

Quand j'ai franchi mon studio, j'ai vu un jeune homme maigrichon et une dame, assez ronde, avec son bébé assis sur des sièges à l'ombre du pied de nime qui se dresse au mileu de notre concession.

Je me suis empressé, j'ai saisi une bouilloire pour déguerpir les chassies qui emmerdaient ma vue. J'ai pris une bouchée pour me rincer les dents et je l'ai recrachée. Mauvaise haleine ? Pis !

Je m'approche d'eux et les salue. J'ai pris une minute à les devisager. Le monsieur avait un registre. J'ai pu lire:《 Recensement : Campagne de vaccination contre la COVID-19 - Équipe 9 》.  La dame avait un sac accroché à l'épaule. Je n'ai pas daigné savoir ce qui s'y trouvait. D'une main, elle tenait un flacon de gel hydroalcoolique et de l'autre un bâtonnet de craie blanche. Pendant ce temps, sa mouflette tétait son sein à elle et s'en jouait. Chose dramatique, aucun d'eux ne portait un masque. Des gants, n'en parlons pas. Et rien ne les identifiait comme agents recenseurs.

J'ai demandé s'ils avaient un ordre de mission ou une autorisation quelconque.  Sans ambages, le monsieur m'a répondu  par la négative. Et s'est  justifié qu'ils sont envoyés par le PMI (Protection Maternelle et Infantile)  de mon quartier, l'unique centre de soins public de Badalabougou. Je leur ai ensuite demandé si le discours qu'il a tenu, venait de la hiérarchie. La dame a répondu que c'est ce qui leur a été dicté, sans autre détail. Je devenais gênant alors ils se sont abstenus de me répondre. J'ai essayé d'établir un climat de confiance, peine perdue. Le maigrichon est entré en communication téléphonique. Il parlait une langue que, malheureusement,  je ne comprenais pas. Pendant tout ce temps, personne d'autre n'a réagi dans  la famille. Nos aide-ménagères et quelques enfants sous la véranda ne faisaient qu'observer la scène. Mes deux tantes étaient dans leurs chambres.

Je me suis empressé  pour aller consulter la plus agée de mes tantes. Sa réaction est on ne peut plus clair : 《J'ai tout entendu. Personne ne sera recensé ici par des inconnus. En plus ils nous trompent. Comment peut-on croire que cette maladie existe au Mali ? Si elle est là, pourquoi nous tromper pour nous vacciner ? Qu'ils quittent la famille.》, a-t-elle instruit.

Je suis retourné  annoncer cet avis aux agents recenseurs qui voudraient nous convaincre. Je les ai suppliés de sortir. La dame s'est  lévée et a rebroussé chemin. Quant au monsieur, il n'avait pas l'intention de se retirer. C'est alors que j'ai haussé le ton. 《S'il  vous plaît  mon frère, partez d'ici. Rien ne me prouve que vous êtes de vrais agents. Je ne suis pas dupe 》.  Ainsi, il a compris que je m'emportais. Il a rejoint sa coéquipière qui inscrivait un indicatif sur notre portail:《CR 2021 - E9》. Je les ai flanqués à la porte. Je leur ai conseillé d'aller revoir ceux qui les ont chargés de ce recensement. Et mes derniers mots:《Changez de stratégie. Il faut plutôt instaurer la confiance entre les Maliens  et vous que de les duper. Si vous continuez sur cette base, même ceux qui sont convaincus de la gravité de cette maladie dans le pays, finiront par la réfuter. Et cette crise serait plus dangereuse que la COVID-19. Trouvez une autre stratégie. 》Comme si j'ai prêché dans le désert,  ils se  sont faufilés dans une famille contigue.

Je me demande comment peut-on charger des agents pour recenser la population avec ces propos incohérents. Mon entendement me dit qu'ils sont de faux agents.  Mais qui ose-t-il faire du porte-à-porte à Bamako pour recenser sans qu'il ne soit en chargé ? Cela demande une prouesse. Ce serait réparable si cette stratégie de communication est propre à ses agents ou  aux  responsables qui pilotent cette campagne de vaccination à Badalabougou. Mais, si elle vient des hautes autorités en charge de la riposte face à la COVID-19, c'est le chaos assuré.  Quand on dupe une population  incrédule et aussitôt  qu'elle le découvre, alors la cessité collective devient fatale.

Vous m'excuserez. Je n'ai pas recoupé parce que je me suis mis à la place de ces maliens qui n'ont jamais frôlé les murs d'une école moderne. Alors, ces mots sont  plutôt le crachat de cette catégorie de maliens  que l'encre d'un  journaliste. 

Makan FOFANA

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