Billet de blog
Coronavirus au Mali : Mythe ou réalité pour le malien du railda ?
Depuis la rue de l’hôtel Montana du quartier de Boulkassoumbougou (rive gauche), je m’apprête, ce mardi matin, à rejoindre le centre-ville. De cette destination, je dois prendre un autre véhicule pour me rendre au quartier de Magnambougou (rive droite) où j’ai rendez-vous chez un ami à 8 h 00.
« Railda ! Railda ! Direti ! Railda ! Direti ! (Railda ! Direct ! Railda !)», répondant à ces alertes assourdissantes de l'apprenti chauffeur, je lève le bras pour indiquer ma présence. Aussitôt, asséne-il un robuste coup de poing au flanc de l’engin, le minibus vert s’immobilise tout près de moi. J’y introduis la tête dans l’espoir de trouver un endroit où m’asseoir. Dans la cabine, mon regard rencontre un bon monde étroitement assis avec peine les uns à côté des autres sur des banquettes. De différents âges, classes sociales et professions, la quasi-totalité n’a manifestement cure des mesures barrières contre la pandémie de coronavirus qui défraie la chronique depuis des mois. Dans un véhicule dépourvu de quelque affiche, seuls quelques uns ont, jusqu’ici, eu le courage de porter des masques.
Longue attente
Pendant que je parcours du regard le décor menaçant, l’apprenti-chauffeur, debout au milieu, m’invite à montrer à bord. Tout en demandant aux occupants de se serrer un peu plus, il montre du doigt un petit trou à l’angle. Insatisfait de la petite place qui m’est réservée, je lui suggére de continuer son chemin avec, bien entendu, l’espoir de trouver un autre véhicule.
Quelques instants plus tard, voici une autre sotrama. Scrutant l’intérieur de ce véhicule, je me retrouve, hélas, face au même spectacle qu’auparavant. Pire, cette seconde est si bondée que des passagers sont, à défaut de place, debouts à l’intérieur. Pour ma santé, j'ai renoncé à nouveau à embarquer. Je repris mon attente.
Tandis que je regarde passer des sotrama sans leur adresser le moindre signe de la main, l’heure avance. Très vite, je réalise que je n’ai plus le choix et me rends compte qu'il me fallait embarquer dans la prochaine sotrama sous peine de rater mon rendez-vous ou de prendre un grand retard. Ainsi, à l’approche d’un minibus, je le hèle avec les deux bras levés.
Son véhicule étant déjà chargé, l’apprenti-chauffeur ne voit pas l’intérêt de me ménager, tant je dévorais des yeux son engin engouffré. La mine serrée et la voix rauque, me foudroya-t-il : « Descend ! Descend ! Descend de mon véhicule si tu ne veux pas aller » . Penaud, je me faufile sur bout de banquette qui subsiste juste à l’entrée du véhicule.
Si mes deux voisins, de gauche et de droite, ont tous eu la délicatesse de porter un masque, il faut dire que 14 des 20 passagers que nous sommes ont le visage nu. Outre nos compagnons de bord, je constate également que le chauffeur et son apprenti qui ne présentent ni de gel ni de savon aux nouveaux entrants tout au long du trajet, ne respectent, hélas, aucune mesure en vigueur.
« La covid-19 n’existe pas..»
Au bout d’une trentaine de minutes, nous voilà, enfin, au fameux rail da. Au seuil du grand marché, le plus grand centre commercial de la capitale malienne, cette "Venise à la minibus vert" vit dans l’éternité d’une ambiance festive que font vivre, d’une part le brouhaha du monde cosmopolite et de l’autre la musique que crachent çà et là des baffles. Autour de l’interminable queue-leu-leu des sotrama qui longent le bord des rails, sont éparpillés, pêle-mêle, sous des tentes, des petits commerçants, d’un côté sur les rails et de l’autre sur le trottoir de l’autre goudron en face. On y trouve vendeuses de froufrou (gâteaux), revendeuses de fripes, vendeurs ambulants des accessoires de téléphone, du café noir, de cigarettes, de cartes de recharge téléphonique..En plus de ce grand monde, l’endroit charrie une impressionnante foule des passagers, les uns qui viennent de débarquer et les autres qui s’apprêtent à quitter le centre-ville, des mendiants, enfants talibés en haillons et des apprentis-chauffeurs qui égrènent les noms des différents quartiers de la ville, comme pour attirer les éventuels clients sur place.
Le gros du monde du bord des rails n’entretient visiblement pas une grande préoccupation pour la covid-19. Du moins, seuls quelques rares passagers se couvrent le visage du masque. « Le coronavirus n’est pas une réalité, c’est juste une contrainte que font peser les occidentaux sur les dirigeants africains. C’est parceque la covid-19 vient de chez eux et tue beaucoup plus de gens chez eux qu’on l’appelle mondiale », assène un chauffeur de sotrama qui a préféré garder l’anonymat. Visage nu, mon interlocuteur avoue ne pas imposer des mesures à ses clients, car « si le coronavirus existait au Mali, nous serions tous contaminés », souligne-t-il, pointant du doigt les grands rassemblements (manifestations du M5, Mawlid, prière du vendredi) qui ont eu lieu depuis l’apparition du virus.
Depuis plus d’un an, le Mali, comme partout ailleurs dans le monde, vit dans un contexte sanitaire difficile de la pandémie de coronavirus. De mars 2020 à ce jour, les autorités ont initié, entre autres mesures barrières, la fermeture des frontières et de certains lieux publics (écoles, restaurants, bars..), des vastes campagnes de sensibilisation à travers les médias et tout récemment la mise en œuvre de la politique un malien un masque.
Qu'à cela ne tienne, le respect des mesures barrières a du mal à passer dans le milieu. Surtout dans les sotrama, ces véhicules qui transportent des dizaines et des dizaines de citoyens par jour. Le premier cas testé positif à la pandémie de coronavirus a annoncé le 25 mars 2020. Et depuis, le nombre des cas ne cesse de grimper, passant de quelques trois, en mars 2020, à plusieurs milliers de cas testés officiellement positifs à ce jour. A cet effet, le dernier rapport du centre national de recherche sur la santé publique fait état (institution qui resence le nombre des cas au Mali). La capitale, Bamako, caracole en tête loin devant les autres régions) de cas déclarés officiellement positifs.
M. Dramé, blogueur
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