Commentaire
Crise malienne : Vers la dernière ligne droite
Après une relative accalmie engendrée par la trêve de la désobéissance civile du mouvement du 5 juin, la capitale malienne s'apprête à vivre un nouveau bras de fer entre le pouvoir et les contestataires dudit mouvement qui réclament, depuis le 5 juin, la démission du président de la république Ibrahim Boubacar Keita. N'est-ce pas, cette fois-ci, la seconde période d'un match qui dure depuis plus d'un mois ?
Le siège de l'assemblée nationale pillé, la cour constitutionnelle dissoute, un gouvernement d'union nationale, annoncé depuis plusieurs semaines, qui a toujours du mal à accoucher, 31 députés appelés à démissionner... Quelle feuilleton ! Et le plus étonnant dans cette nouvelle page de l'histoire du Mali démocratique, qui n'a pas encore fini de s'écrire, est que ces branle-bas institutionnels n'ont débuté qu'au début du mois de juillet ; exactement vendredi le 10, date à laquelle le mouvement du 5 juin a entamé sa « désobéissance civile ». Cela intervient après deux autres vendredis (le 5 et le 19 juin) de grande mobilisation où des milliers de manifestants, répondant à l'appel de l'imam Mahmoud Dicko et plusieurs autres opposants politiques, ont réclamé, au boulevard de l'indépendance de Bamako, la démission du président Ibrahim Boubacar Keita.
Bien que les responsables de ce mouvement s'arc-boutent, depuis le 5 juin, sur cette principale revendication, ils ont, néanmoins, pris part à plusieurs tentatives de dialogue qui n'ont malheureusement pas pu calmer les ardeurs. La dernière en date est la mission de bons offices qui a conduit, le 23 juillet dernier, les présidents Alassane Dramane Ouattara de la Côte d'Ivoire, Mahamadou Issoufou du Niger, Macky Sall du Sénégal, Mouhamadou Bouhari du Nigeria et Nana Akufo Ado du Ghana dans la capitale malienne.
A partir du 10
Après l'échec des négociations, les dirigeants ouest-africains ont proposé, le 27 juillet, lors d'un sommet visioconférence des chefs d'État de la CEDEAO, des « solutions finales » à la crise. Il s'agit, entre autres, de la démission de 31 députés dont l'élection a été contestée, la reconstitution de la cour constitutionnelle et la formation d'un gouvernement d'union nationale.
Ces propositions, ne semblent, hélas, susciter la satisfaction des responsables du M5. Au cours d'un point presse, qu'ils ont organisé ce mercredi 29 juillet, les responsables du mouvement ont appelé leurs sympathisants à la reprise des manifestations à partir du 10 août.
Après la dissolution du gouvernement et de la cour constitutionnelle, le président IBK a quelle carte à jouer pour sauver son fauteuil ? Quelle « arme » va-t-il se saisir le pouvoir face une ruecratie qui s'attele à paralyser, dans le but de précipiter le départ du président, à travers le blocage des rues, routes et ponts, les activités socioprofessionnelles du pays ?
De son côté, le M5 va-t-il poursuivre avec une désobéissance civile déjà entachée de violences, de pillages des édifices publics et de morts ? Et Si les hostilités perdurent le mouvement ne risque-t-il pas de perdre son ampleur dans un pays où la circulation routière joue un rôle primordial dans presque tous les secteurs d'activités socio-économiques ? Il faut rappeler, cependant, que cette désobéissance civile a connu une subite trêve. C'était la semaine dernière, à seulement quelques jours de la tabaski.
IBK ou la ruecratie ?
En ce lendemain de la fête du mouton, sommes-nous en droit de nous interroger : qui va enfin l'emporter ? Le président Ibrahim Boubacar Keita sera-t-il le premier président malien à être la victime de la ruecratie ? Ou inversement c'est l'imam Dicko qui connaîtra sa première « défaite » devant des responsables politiques dont il a toujours su mettre le dos au mur ? Il faut dire que le président IBK bénéficie du soutien de ses pairs de la CEDEAO dont la plupart encourt le risque dans leurs pays respectifs. Il peut également compter sur le reste de la communauté internationale, traditionnellement prompt à repousser toute initiative de prise de pouvoir outre que celle des urnes.
De l'autre côté, l'imam Dicko, qui avait déjà juré depuis le 5 juin, devant des milliers des « fidèles », n'a, manifestement, plus d'oreille à prêter que celle du départ de « son grand frère » de la majestueuse colline. Sans quoi les 20 manifestants, dont les 3 devant sa mosquée, qui ont trouvé la mort au cours des échauffourées du 10, 11 et 12 juillet, seraient, selon son propre terme « trahis ».
En attendant cette fameuse finale, il appartient à chacun des deux camps de se soucier de ce qui pourrait naître du bras de fer. Qu'importe ceux qui viendront à bout, l'on dira un jour, tel ou tel a récupéré le pouvoir de telle manière, comme pour dire que la conquête de Koulouba est susceptible de donner un pan d'honneur aujourd'hui mais la manière d'y arriver ne saurait échapper aux impitoyables lignes de l'Histoire.
Yelihebdo
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