Analyse

Timbiné au perchoir : Que nous enseigne la démocratie malienne ?

Avec 134 voix sur 147, Moussa Timbiné devient, ce lundi 11 mai, le 9e président de l’Assemblée nationale du Mali. Si cette élection de l’ancien leader de la jeunesse du Rassemblement pour le Mali (parti au pouvoir) est synonyme d’un record pour sa formation politique (3e président), il y a lieu pour nous, cependant, de revisiter le système démocratique malien.

1992, le peuple malien écrivait avec « le sang des martyrs », pour reprendre la terminologie des politiques autrefois révolutionnaires, une nouvelle constitution. Bien que la démocratie pluraliste ait accordé des urnes et bien d’autres avantages, faut-il le reconnaître, « le soleil » du poète Hamadoun Ibrahima Isséberé peine toujours à se lever à l’ouest. Du moins, depuis le lendemain du 26 mars, le malien assiste à une succession d’hommes politiques, faisant partie du même clan (parti) qui contrôlent les grandes institutions de l’État. De la mandature d’Alpha Oumar Konaré (premier président du Mali démocratique) à nos jours, en passant par celle d’Amadou Toumani Touré, Koulouba et Bagadadji, pourtant deux pouvoirs parallèles, ont toujours fait bon ménage. D’autant plus que la majorité des sièges à l’assemblée nationale est toujours occupée par les élus des mêmes ADEMA-PASJ et RPM qui sympathisent avec le président de la République, l’opposition exécutif-législatif demeure quasi-inexistante.

Le malien des rues et le malien des urnes

Plus grave encore, ces différents politiques qui sont souvent décriés par l’opinion publique, parviennent à se faire réélire de nouveau. L’exemple le plus palpitant est celui de l’incroyable réélection du président IBK en 2018. En effet, le chef de l’État sortant était, à l’époque, comptable d’un bilan pas très favorable. A quelques mois seulement avant le démarrage des campagnes, le pays était dans la paralysie d’un mouvement de grèves et des marches, tantôt organisées par des syndicalistes tantôt par des politiques qui sévissait çà et là. Qui ne se rappelle pas l’arrêt de travail des médecins ? Les grandes manifestations successives dans les rues de la capitale, dont celle contre la révision constitutionnelle où des milliers de foules ont envahi les rues, ont démontré combien le coeur de bon nombre de maliens a divorcé avec celui qui était investi avec plus 70 % des suffrages en 2013.
Malgré ce divorce, le natif de Koutiala a, sans difficulté, reconquis son fauteuil en se hissant à la tête aux deux tours des présidentielles. N’est-ce pas le parti du même IBK qui vient de s’offrir encore de la majorité des sièges (51 sur 147) de l’unique chambre du parlement malien ? Et c’est au moment même où les salles de classe sont fermées à cause de la grève des enseignants entamée depuis décembre 2019.
Face à cette attitude ambiguë du malien lambda l’on serait tenté de s’interroger s’il est jusqu’ici mûr dans un système démocratique pour lequel il bravait les balles en 1991. Aller aux urnes est nécessaire certes, mais le préalable pour lui est de savoir pourquoi, pour qui et comment voter avant d’y aller. Nombreux sont les maliens, surtout ceux qui vivent dans les zones urbaines, plus particulièrement à Bamako, qui votent non pas dans l’esprit du changement collectif mais bien entendu pour des raisons personnelles ou matérialistes. Les cas d’achat de conscience et de violence constatés au cours des récentes échéances électorales passent pour être une belle illustration.

… le soleil se couche à l’est

Comparée à celle française ou américaine, la démocratie malienne est sans conteste jeune. Mais il est temps, en cette ère de la mondialisation, pour le peuple malien d’emboîter le pas à d’autres voisins tunisien, ghanéen ou nigérian qui ont pu réaliser des alternances historiques récemment. Prendre conscience de sa force dans les urnes, comme il en a fait dans les rues, voilà le défi. Et cette alternance pacifique ne se réalise que quand le peuple se réunit et se dirige, non pas contre un homme ou un groupe d’hommes mais, vers un seul idéal.
A la suite de l’élection de Moussa Timbiné comme président de l’Assemblée nationale, nombreux sont ceux qui affichent un pessimisme quant à la bonne gestion de l’institution. Au vu de « la bonne cohabitation » qui a existé entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sous la législature de ses différents prédécesseurs, l’on n’aurait pas tort de caresser le doute d’une véritable alternance ; surtout quand on sait que le vice-président de la 5e législature (dernière assemblée) serait proposé par le président IBK même en personne à ses camarades du RPM pour être élu au CICB lundi.
Qu’à cela ne tienne, le plus jeune des présidents de l’Assemblée nationale du Mali (47 ans) et ses collègues députés ont l’occasion pour prendre à contre pieds les sceptiques, pourvu qu’ils en soient conscients. Redorer son blason en adoptant une nouvellee approche à Bagadadji, voilà ce qui libère le malien des dérives d’un système de clan qui met en mal sa démocratie sacrée. A défaut de cela, « le soleil » de notre poète tardera encore à se coucher à l’est.

Yelihebdo

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