Politique
Contestation des résultats électoraux auMali : Me Cheick Oumar Konaré propose la réduction des pouvoirs de la cour constitutionnelle, Me Alassane Diop réagit : « il faut tout simplement la modification des modes de désignation de ses membres »
Aussitôt les résultats définitifs des élections législatives 2020 proclamés, jeudi 30 avril, les internautes maliens ont envahis les réseaux sociaux. Si les partisans des politiques, déclarés perdants (à ce second tour), contestent les chiffres annoncés par les neuf sages, deux avocats, Me Cheick Oumar Konaré et Me Alassane Diop, débattent autour d’une cour constitutionnelle dont ils désapprouvent, tous les deux, « la compétence » des membres.
« Je ne peux comprendre que les suffrages du peuple souverain soient placés sous les pieds d’une juridiction pour qu’elle en fasse ce que bon lui semble.», ainsi se termine l’article de Me Cheick Oumar Konaré qui exprime son ras-le-bol contre les chiffres annoncés, quelques heures plus tôt, par la cour constitutionnelle. En effet, dans cet article qu’il a intitulé « Il faut réduire les pouvoirs de la cour constitutionnelle », l’avocat dénonce une institution dont la Constitution du Mali donnerait, selon lui, tous les pouvoirs. « Non seulement, illustre-t-il, elle a le pouvoir d’annuler ou de réajuster des voix à son gré, mais en outre, ses décisions sont sans recours.». Décriant la gestion de l’institution, M. Konaré souligne, par la même occasion, que six des neuf juges de l’institution sont nommés par le pouvoir en place, notamment 3 par le président de la République et 3 par le président de l’Assemblée nationale. Et quand on sait que le parti présidentiel est souvent majoritaire au Mali, « lesdits magistrats sont beaucoup plus sensibles aux intérêts du pouvoir qu’à autre chose », ajoute-t-il avant de proposer la réduction des pouvoirs de ceux-ci, s’il y a lieu de révision constitutionnelle.
« Réduire les pouvoirs de la cour constitutionnelle, non ! », voilà le titre du texte de Me Alassane Diop, partagé quelques temps après. Cependant, M. Diop, oriente le lecteur dès le début par : « une réponse de candide à mon excellent Confrère Maître Cheick Oumar Konaré.».
« Faut-il désormais les élire tout simplement par la communauté des magistrats, professeurs d’université, professions libérales et élus politiques de la nation ? En un mot la société civile. Ou doivent-ils au contraire être nommés par tirage au sort tout simplement ? », s’interroge-t-il avant d’écrire plus loin en lettres capitales : « il faut amputer ces institutions de la République de ces pouvoirs de sujétion », pointant également du doigt le président de la République et l’assemblée nationale. En guise de réponse à son collègue avocat, il estime, cependant, qu’il est « impossible voire dangereux » de réduire les pouvoirs de la cour constitutionnelle. A ce sujet, le juriste s’interroge sur deux problématiques auxquels cette réduction des pouvoirs pourrait conduire. Il s’agit notamment d’une éventuelle création d’autres institutions comme « une juridiction d’appel » et d’une possible redistribution des pouvoirs.
« Il faut au contraire, propose-t-il à son tour, se battre pour obtenir tout simplement la modification des modes de désignation des membres de notre Cour Constitutionnelle et prier pour que les élus ou les nommés soient à la hauteur du service attendu ».
Bien que le Mali n’ait pas connu des crises postélectorales accrues, comme plusieurs pays africains (Côte d’ivoire, Liberia, Guinée etc.), le lendemain des résultats définitifs des élections donne souvent lieu à des grandes manifestations. Et à chaque occasion, les contestateurs dénoncent « la mauvaise gestion » de la CC. Les réactions fracassantes, qui ont émaillé les réseaux sociaux ces derniers jours, passent pour être un bel exemple. En plus des plaintes et des images satiriques dirigées à l’encontre de Madame Manassa Danioko (présidente de la cour) et de ses collègues, nombreux sont les internautes qui mettent en question leur « compétence ».
« Une équipe plus compétente pour diriger la cour constitutionnelle du Mali », n’est-ce pas la position de maitre Alassane ? « Loin de moi toute idée de dévaloriser les membres de cette Cour, je pars dun simple constat empirique pour affirmer que notre Cour Constitutionnelle gagnerait à être présidée par un juriste publiciste reconnu faisant l’unanimité de la communauté intellectuelle du Mali.», argumente-il, comme pour dire que l’équipe que dirige Madame Danioko est constituée en majorité par « des magistrats privatistes chevronnés qui ne seraient pas pour autant des doctrinaires du droit constitutionnel ». Et quand on sait que « la présidente elle-même n’en est pas une », ce serait donc, d’après Me Alassane, une insuffisance à combler par rapport à d’autres pays de la sous région.
Yelihebdo
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